S'inscrire à la newsletter

Textes officiels

Les programmes officiels prévoient que la Shoah soit abordée en classe dès l’école élémentaire, puis approfondie à différents stades du parcours secondaire général, technologique et professionnel.

Document d'archive

MXXXVI_325_def

Magasin saccagé pendant la Nuit de Cristal

Vienne, Autriche, 10 novembre 1938
C’est en référence aux bris de verre qui jonchaient les rues du Reich au matin du 10 novembre 1938 que ces événements furent nommés Nuit de Cristal. L’usage de cette expression née aux lendemains des faits à Berlin peut être discuté en classe : les violences, pour partie meurtrières, qui se sont déroulées dans la nuit du 9 au 10 novembre peuvent-elles être dénommées uniquement en référence aux vitrines brisées ?
Crédit : Mémorial de la Shoah / CDJC

Diminuer la taille du texte Augmenter la taille du texte

Etude de cas : la « nuit de cristal »

L’assassinat d’Ernst Vom Rath et le sort d’Herschel Grynszpan

Le 7 novembre 1938, Herschel Grynszpan, Juif polonais qui habite Paris et veut protester contre la récente expulsion des Juifs polonais vivant en Allemagne par-delà la frontière polonaise, se présente à l’ambassade d’Allemagne et blesse mortellement Ernst vom Rath, secrétaire d’ambassade. Transporté d’urgence à la clinique de l’Alma, vom Rath se trouve entre la vie et la mort.

Dès que Hitler apprend la nouvelle, il élève vom Rath au rang de conseiller d’ambassade et envoie son médecin personnel, Karl Brandt, et le professeur munichois Georg Magnus à son chevet. Mais vom Rath décède le 9 novembre à 16 h 30. Trois jours plus tard une cérémonie funèbre se déroule au temple luthérien de la rue Blanche en présence de Georges Bonnet, ministre des Affaires étrangères, embarrassé par cette affaire. Le corps est transféré à Düsseldorf en Allemagne le 16 novembre : des milliers de personnes défilent devant la dépouille. Hitler et les plus hauts dignitaires du IIIe Reich assistent le lendemain aux obsèques. Joachim von Ribbentrop prononce l’éloge funèbre.

En France, Grynszpan est inculpé par le juge Tesnière de tentative d’assassinat et de meurtre avec préméditation. Maître Moro Giafferi, en collaboration avec maître Weill Goudchaux et maître Frankel, acceptent d’assurer sa défense. Avec l’aide de la journaliste américaine Dorothy Thompson, Moro Giafferi mobilise l’opinion publique américaine en faveur de Grynszpan et des Juifs du Reich.

L’avocat français doit également assurer la défense de l’oncle et de la tante de Grynszpan, Abraham et Chawa Grynszpan, accusés d’avoir accueilli un étranger en situation irrégulière. Fin novembre, ils comparaissent devant la 17e chambre correctionnelle et sont condamnés respectivement à six et trois mois de prison. La partie civile est représentée par Friedrich Grimm, juriste et agent des services de la propagande de Goebbels et par deux avocats français, Maurice Garçon et Maurice Loncle. Afin de convaincre l’opinion publique française, Grimm inonde la presse de matériel de propagande. Mais en raison du contexte international, le procès est sans cesse repoussé sous la pression de Grimm qui intervient directement auprès des autorités françaises.

À cause de la menace de guerre, Grynszpan est transféré vers un autre centre pénitentiaire. Pendant le trajet, un bombardement disloque le convoi et les détenus se dispersent dans la nature. Après avoir erré en vain sur les routes de France, Grynszpan se présente volontairement à la prison de Toulouse d’où il est remis aux autorités allemandes, dans le cadre de la convention d’armistice franco-allemande (selon laquelle la France s’engage à livrer les citoyens d’origine allemande, ennemis du régime).

Transféré à Berlin, Grynszpan est interrogé puis incarcéré à Sachsenhausen, le 18 janvier 1941 et fait plusieurs séjours à la prison de la Gestapo. En raison du contexte de la guerre, mais aussi parce que Grynszpan menace de révéler la prétendue homosexualité de vom Rath, le grand procès dont rêve Goebbels pour servir la propagande nazie n’a pas lieu. Personne n’a jamais su avec certitude ce qu’il advint de Grynszpan dont le sort et la personnalité ont donné lieu à de nombreuses thèses contradictoires.

Si, en février 1936, le meurtre de Wilhelm Gustloff, chef d’une branche suisse du parti nazi, par David Frankfurter, étudiant juif d’origine yougoslave était passé inaperçu en raison des Jeux olympiques de Berlin celui de vom Rath est, pour les nazis, le prétexte au déclenchement de la « Nuit de Cristal ».

Le déroulement des pogroms antijuifs

À l’annonce de l’attentat contre vom Rath, la presse allemande développe à l’envi le thème de la conspiration juive mondiale et menace de sévères représailles. C’est le prétexte idéal pour faire la chasse aux Juifs et les contraindre à quitter massivement l’Allemagne.

Le 9 novembre au soir à Munich, Goebbels prononce un discours violent d’incitation aux représailles devant les chefs nazis réunis à l’ancien hôtel de ville de Munich pour la commémoration du putsch de 1923 et annonce que des pogroms antijuifs ont éclaté dans les districts de Kurhessen (Hesse-Cassel) et de Magdeburg-Anhalt. Il ajoute que, sur sa suggestion, Hitler a décidé de ne rien faire pour empêcher un mouvement qui s’étendrait spontanément à l’ensemble du Reich. Les responsables nazis comprennent que le parti doit organiser et exécuter le travail, sans paraître ouvertement engagé.

À l’annonce du décès de vom Rath, l’émeute se propage avec une rapidité foudroyante. La SA donne ordre à ses troupes d’incendier systématiquement toutes les synagogues du pays. Informé des événements dans la nuit, Himmler a une réaction relativement modérée, ordonnant à ses troupes d’entrer en action pour empêcher un pillage généralisé et pour interner une vingtaine de milliers de Juifs dans les camps de concentration.

Les agresseurs se ruent à l’assaut des symboles de la vie juive. Les synagogues sont pillées et incendiées ainsi que les maisons communautaires et les locaux des quelques institutions juives qui fonctionnent encore. Les appartements et maisons privées, les commerces, les boutiques sont également saccagés (les nazis déclarent avoir détruit ou dévalisé 7 500 magasins). Ce sont probablement les Berlinois qui donnent à ce pogrom le nom de « Nuit de Cristal » en raison des milliers d’éclats de verre des vitrines brisées qui recouvrent les trottoirs. Le journaliste William Shirer, parle lui de « nuit ou semaine des carreaux cassés ».

Près d’une centaine de Juifs sont assassinés, plusieurs sont gravement blessés, des femmes sont violées. En Autriche le pogrom est plus violent encore : 42 synagogues sont détruites, 27 Juifs tués, une centaine est gravement blessée. 6 500 personnes sont arrêtées et transférées principalement à Dachau, à Sachsenhausen et à Buchenwald. La grande majorité des internés Juifs allemands et Juifs autrichiens, lors de la « Nuit de Cristal », est progressivement libérée entre le 18 novembre1938 et le printemps 1939 s’ils s’engagent à émigrer sans tarder et à abandonner la majeure partie de leurs biens.

Parmi eux, les vieillards, les grands malades, ceux qui peuvent prouver qu’ils vont émigrer ou accepter de céder leurs entreprises à un Aryen pour un prix dérisoire, sont les premiers libérés. Le froid, les mauvais traitements et les maladies provoquent la mort de plusieurs centaines « de Juifs de novembre ». La communauté juive est condamnée à payer une amende de un milliard de marks pour avoir causé ces dommages « en provoquant la juste colère du peuple allemand ». Elle sera prélevée sur les 7 milliards d’avoirs juifs bloqués depuis avril 1938.

Le déchaînement de violence donne à tort l’impression d’une émeute spontanée. En fait, à l’exception d’une minorité, la population est restée spectatrice. Peu de voix s’élèvent pour protester officiellement. Les Églises restent silencieuses.


Retour à la thématique