S'inscrire à la newsletter

Textes officiels

Les programmes officiels prévoient que la Shoah soit abordée en classe dès l’école élémentaire, puis approfondie à différents stades du parcours secondaire général, technologique et professionnel.

Document d'archive

CIII_186_def

L'arrivée des premiers internés à Drancy

Le 20 août 1941
La cité de la Muette, construite dans les années 30, fut en premier lieu réquisitionnée par les Allemands afin d’y interner notamment des prisonniers de guerre. Mais sa fonction changea avec les rafles du mois d’août 1941, à l’issue desquelles 4 230 Juifs y furent rassemblés. Ce site devint dès lors un lieu d’internement pour les Juifs. D’abord réservoir d’otages servant à la politique de représailles des autorités d’occupation, le camp devint un camp de transit pour les Juifs arrêtés en France en vue de leur déportation et de leur assassinat à Auschwitz.
Crédit : Mémorial de la Shoah / CDJC / Süddeutscher Verlag Bilderdienst

Diminuer la taille du texte Augmenter la taille du texte

Etude de cas : le camp de Drancy (1941-1944)

Les origines et la création du camp

Situé dans la banlieue est de Paris, à 4 kilomètres de la capitale, Drancy est une ville plutôt ouvrière. Elle possède un ensemble d’habitations dénommé Cité de la Muette et composé d’une longue bâtisse de quatre étages en forme de U flanquée de cinq tours. Conçu en 1932, elle est encore inachevée lorsque la guerre commence.

Occupés par les troupes allemandes en juin 1940, les lieux servent de camp d’internement pour des prisonniers de guerre et des civils étrangers. C’est sous leur impulsion que la Préfecture de police y crée le 20 août 1941 un camp destiné aux Juifs. 4 230 hommes dont 1 500 Français, raflés à Paris entre le 20 et le 25 août, sont les premiers internés juifs du camp de Drancy.

Le camp est cerné d’une double rangée de barbelés séparés par un chemine de ronde, le tout précédé d’une cour intérieure en mâchefer. Une douzaine d’escaliers desservent les étages. Les W-C sont situés dans un bâtiment en briques plates et rouges qui ferme le fer à cheval. Hauts de quatre étages, les bâtiments entourent une cour d'environ 200 mètres de long et 40 mètres de large. Des miradors de surveillance se dressent aux quatre coins du camp. Placé sous la responsabilité du Préfet de police, Drancy a initialement pour chef un commissaire de police. La surveillance est assurée par la gendarmerie et les services de ravitaillement de la Seine.

Des débuts difficiles

Les premiers mois sont les plus difficiles. Couchés sur des planches ou à même le ciment, sans paillasse ni couverture, les Juifs internés sont parqués à 50 ou 60 par chambrée, après avoir été dépouillés de leurs papiers d’identité, de leurs cartes d’alimentation et de toute somme d’argent supérieure à 50 francs. En guise d’alimentation, ils reçoivent chaque jour 250 grammes de pain et trois soupes sans légumes, bues dans des récipients de fortune qu’ils partagent à plusieurs. Les colis sont interdits. Toute la vie tourne autour de cette famine qui s’installe dans le camp. Les internés n’ont aucune activité, sauf quelques corvées exigées pour l’entretien du camp.

Les sorties de la chambrée sont réduites à une heure par jour, escalier par escalier. Les plus faibles ne sortent que pour l’appel qui rythme la journée, une ou deux fois par jour. Les conditions sanitaires sont rudimentaires, la dysenterie rôde. Pour se laver, les 5 000 détenus, internés de 1941-1942, n’ont que 20 robinets à leur disposition. La vermine se multiplie, les internés sont dévorés par les poux et les punaises. Les fenêtres ferment mal et le vent s’engouffre dans les chambrées.

En hiver, le chauffage est nettement insuffisant. Pour tout acte d’indiscipline, un interné est condamné à quelques jours de cachot après avoir eu la tête rasée.

La vie quotidienne

L’improvisation des premiers temps laisse bientôt place à un début d’organisation. Le service du courrier, les effectifs et l’économat sont pris en charge par les internés. Les douches fonctionnent, les appels ont désormais lieu dans les chambres.

Le 20 septembre 1941, la Croix-Rouge est autorisée à installer une permanence dans le camp et à fournir le ravitaillement collectif qui est livré par le comité de la rue Amelot. Des paillasses, des couvertures, des lits superposés arrivent enfin. Les internés ayant été immatriculés par les services de la Police judiciaire, le courrier est autorisé, mais réduit à une seule carte tous les quinze jours.

Une trentaine de décès surviennent cependant entre octobre et novembre 1941. Aussi 750 internés sont libérés sous le contrôle d’une commission de médecins de la Préfecture et de militaires allemands. En décembre 1941, certains grands malades sont transférés à l’hôpital Tenon, puis à l’hôpital Rothschild. Le 3 juillet 1942 à 6 heures, tous les malades sont rapatriés à Drancy par la police française. Les colis alimentaires, autorisés depuis le 1er novembre 1941, sont éventrés pour s’assurer qu’ils ne contiennent rien de suspect. Les gendarmes chargés de la fouille en profitent souvent pour confisquer tout ce qu’ils peuvent pour leur propre compte ou pour alimenter le marché noir. Les visites étant interdites, certaines familles tentent d’apercevoir un des leurs en s’approchant du camp.

Des événements tragiques rompent la monotonie de la vie quotidienne. Le 12 décembre 1941, un détachement allemand avec à sa tête Theodor Dannecker, le chef du service des affaires juives auprès de la Gestapo en France, vient chercher 50 Juifs qui sont fusillés comme otages avec d’autres otages non-juifs. Trois cents autres détenus sont transférés à Compiègne pour compléter un convoi de déportés vers l’Est. Entre décembre et mars 1942, plusieurs dizaines de Juifs sont enlevés de Drancy pour être fusillés, le camp étant alors utilisé par les Allemands comme réservoir d’otages. Au début de juin 1942, tous les internés sont contraints de porter l’étoile jaune.

L'antichambre de la mort

Le camp devient à partir de mars 1942 le camp de rassemblement et de transit en vue de la déportation de tous les Juifs de France, ce qui lui confère un rôle majeur dans les persécutions antijuives perpétrées en France pendant la Seconde Guerre mondiale. 63 convois sont formés et partent de la gare du Bourget-Drancy jusqu'en juillet 1943 puis de la gare de Bobigny. Ils emmènent au total 65 000 personnes vers les camps d’extermination, principalement vers le camp d’Auschwitz-Birkenau.

Durant les périodes les plus intenses, et notamment dans la deuxième moitié de l’année 1942, deux voire trois convois par semaine sont formés au camp de Drancy. Le camp est alors surpeuplé, les installations sont insuffisantes et les nouveaux arrivants manquent de tout. Au plus fort des rafles, le camp compte environ 7 000 détenus alors que sa capacité théorique est de 5 000 places. Le comble de la détresse est atteint dans la deuxième quinzaine d’août 1942. Arrivent alors à Drancy, en provenance des camps du Loiret, les enfants de 2 à 12 ans qui ont été séparés de leurs parents le mois précédent.

A partir de l’été 1942, les départs rythment la vie à Drancy. À partir du 19 juillet 1942, les déportations se succèdent au nombre de trois par semaine. Elles offrent toutes un spectacle désolant. Durant l’été 1942, une atmosphère de terreur permanente règne à Drancy. Les larmes, les crises de nerfs sont fréquentes et l’on assiste à plusieurs suicides par défenestration. La veille du départ d’un convoi, les détenus déportables sont fouillés et dépouillés de tout ce qui peut avoir un prix. Ils sont ensuite enfermés dans les chambres attribuées aux « déportables » (les trois premières cages d’escalier) jusqu’à l’aube. De là, des autobus viennent les chercher pour les conduire à la gare de Bobigny ou du Bourget où ils sont entassés dans des wagons à bestiaux qui sont ensuite scellés.

À partir de juin-juillet 1943, un commando de S.S. autrichiens, avec à sa tête Aloïs Brunner, prend en charge l’administration du camp jusqu’alors confiée à la Préfecture de police – la gendarmerie assure cependant la surveillance générale de 1941 à 1944 – et y institue une administration violente et un renforcement de la discipline tout en procédant à des aménagements matériels. Brunner fait tout ce qu’il peut pour rafler le plus grand nombre de Juifs, jusqu’à charger des internés de convaincre des Juifs de sortir de la clandestinité et de rejoindre Drancy, faute de quoi leur famille internée à Drancy sera déportée immédiatement.

Le dernier convoi à destination d’Auschwitz part le 31 juillet 1944. Le 17 août 1944, en pleine débandade de l’armée allemande, Brunner arrive à organiser le départ du dernier convoi dont 39 personnes réussiront à s’échapper avant l’entrée en Allemagne. Le 18 août 1944, 1 467 prisonniers sont libérés après l'arrivée du représentant diplomatique suédois et de membres de la Croix rouge. Plus de 80 000 Juifs auront été détenus à Drancy, entre mai 1941 et août 1944, à 4 kilomètres de Paris.

Retour à la thématique