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Textes officiels

Les programmes officiels prévoient que la Shoah soit abordée en classe dès l’école élémentaire, puis approfondie à différents stades du parcours secondaire général, technologique et professionnel.

Document d'archive

Plan du ghetto de Varsovie

Plan du ghetto de Varsovie

Erigé au centre de Varsovie, le ghetto concentrait dans 73 des 1800 rues de la ville, les quelques 370 000 Juifs résidant dans la capitale polonaise en 1939, soit 30 % de la population, auxquels se sont progressivement ajoutés les Juifs des villes et villages alentour. Entouré d’un mur haut de 3 mètres et long de 18 km, ce quartier fermé sera réduit en 1941, atteignant une densité de 146 000 habitants au km².
Crédit : Institut historique juif de Varsovie

Document d'archive

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Enfants arrêtés pour contrebande de nourriture

Se procurer de quoi manger était la principale préoccupation des habitants des ghettos. La contrebande de denrées alimentaires était surtout le fait des enfants, qui souvent nourrissaient l’ensemble de leur famille. Parvenant à se faufiler hors du ghetto, ils revenaient avec des produits camouflés sous leurs vêtements, risquant à chaque reprise de se faire arrêter.
Crédit : Mémorial de la Shoah / CDJC

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Etude de cas : le ghetto de Varsovie (1940-1943) 1/2

La création du ghetto

Dès l’automne 1939, commencent les persécutions antijuives dans le gouvernement général. À partir du 1er décembre 1939, tous les Juifs âgés de plus de douze ans doivent arborer un brassard blanc où figure une étoile de David bleue. D’autres mesures, prises au cours de l’automne et de l’hiver 1939-1940, visent à isoler et à brimer : couvre-feu, interdiction de changer de domicile, de voyager en chemin de fer, confiscation des postes de radio, interruption fréquente de la distribution du courrier, interdiction de fréquenter les jardins publics, etc.

En mai 1940, le quartier juif de Varsovie est officiellement déclaré par les Allemands « zone d’épidémie » et le 2 octobre 1940, le gouverneur du district de Varsovie, Ludwig Fischer, publie l’ordre de transplantation : entre le 12 octobre et le 31 novembre 1940, 113 000 non-Juifs quittent le quartier juif et 138 000 Juifs y « déménagent » dans un climat de panique.

Clos le 16 novembre 1940, le ghetto de Varsovie est en partie cerné d’un mur d’enceinte. Dans cette enceinte d’une superficie d’environ 300 hectares, on compte 128 000 habitants au km² (14 000 environ dans la Varsovie non juive). La population du ghetto passe de 381 000 personnes en janvier 1941 à 439 000 en juin 1941, pour retomber à 400 000 en mai 1942.

Un pouvoir sous influence : le judenrat

Les nazis entendent faire appliquer une partie de la législation antisémite par les victimes elles-mêmes. À Varsovie, les Allemands chargent dès le 3 octobre 1939, l’ingénieur Adam Czerniakow, le nouveau président de la communauté juive, de constituer un Conseil juif (Judenrat). Officiellement dénommée Service d’ordre juif (Jüdischer Ordnungsdienst), la police juive est mise sur pied par les Allemands en septembre 1940.

Ses membres disposent d’avantages convoités tels l’exemption du travail forcé, et des allocations de nourriture. Le Conseil et la police catalysent la colère d’une population qui n’a jamais directement affaire aux occupants. Largement corrompue, la police devient également l’épicentre de la trahison lors de la « grande déportation » de l’été 1942. Le président du Judenrat du ghetto de Varsovie se suicide le 23 juillet 1942 après avoir compris que les nazis tentaient de le rendre complice de l’extermination de son peuple.

Le travail obligatoire et les ateliers

Au cours des premiers jours de l’occupation de la Pologne, les Allemands raflent en pleine rue des passants juifs pour les contraindre, sur-le-champ, à travailler pour eux sans rémunération. La pratique du travail forcé terrifie la rue juive. En janvier 1940, tous les hommes juifs âgés de 13 à 59 ans sont contraints de s’inscrire pour le travail forcé. 121 265 personnes sont enregistrées en quelques semaines.

Les Allemands ne paieront jamais ces travailleurs. C’est la communauté juive elle-même qui les rémunère (3 zlotys par jour). Fin 1939, 28 camps de travail sont installés dans la région marécageuse de Lublin, et 14 dans la zone de la capitale. À l’été 1940, 107 000 Juifs de Varsovie travaillent pour les Allemands comme des quasi esclaves. Par ailleurs, les patrons allemands se voient proposer d’ouvrir des ateliers dans le ghetto pour les faire profiter d’une main-d’œuvre quasi gratuite.

C’est ainsi que vont prospérer les ateliers Toebbens, qui emploient début 1943 près de 15 000 ouvriers, les ateliers Schultz, et les ateliers de brosserie. Convaincus qu’une place de travail vaut sauf-conduit, les captifs sont totalement soumis. Après la « grande déportation », les patrons se contentent de fournir quotidiennement au travailleur 500 grammes de pain et deux litres de soupe, et de verser 5 zlotys par jour et par tête à la SS, « propriétaire » de la main-d’œuvre.

La vie dans le ghetto

Dans tous les témoignages reviennent les mêmes images relatives aux trottoirs bondés et à l’entassement dans des voies étroites privées de toute végétation. Épuisés par la faim, nombre de reclus restent prostrés dans leur lit alors que le gel couvre les murs des appartements. Le nombre de suicides augmente comme le note Czerniakow le 10 octobre 1940.

En février 1942, 10 à 15 % de la population de chaque immeuble sont constitués d’enfants auxquels manquent l’un ou leurs deux parents. Errant de rue en rue, de nombreux orphelins meurent de faim et de froid. À partir du printemps 1941, on ne voit plus d’enfants de moins de deux ans dans le ghetto. Parce que les Allemands interdisent aux Juifs toute forme d’enseignement, les enseignants du ghetto mettent en place des cours clandestins.

Plus de 25 000 enfants sont pris en charge par des institutions diverses qui dispensent leur enseignement dans des centres de réfugiés ou dans des cantines populaires. Mais comment enseigner à des enfants affamés, exténués, et terrorisés ? Peu ou pas rétribués, les enseignants souffrent aussi de la faim et de maladies. Autorisée ou défendue, l’activité culturelle du ghetto, telle une forme de résistance à l’oppression, demeure intense.

La guerre a mis au chômage des centaines de musiciens, d’acteurs et de peintres. Nombre d’entre eux se produisent alors dans des soirées organisées dans des domiciles privés, dans des cafés et dans des restaurants. Cinq théâtres restent ouverts. Les partis politiques juifs participent également à cette vie culturelle et poursuivent souterrainement leurs activités. C’est en priorité parmi eux que vont se recruter les combattants de l’Organisation juive de combat (créée en juillet 1942).

Apparue au début de 1940, la presse clandestine est le miroir de cette vie politique souterraine. Au printemps 1942, 47 titres différents ont été recensés. Chaque feuille, imprimée de façon artisanale, souvent la nuit dans les cantines populaires, est lue au moins par 20 personnes.

L’entraide

Continuer à se tenir debout dans de telles conditions participe d’un esprit de résistance qui estime encore possible de sauver la majorité des reclus. La clandestinité juge prioritaire cette résistance civile et défensive qui se développe par le biais des comités d’immeubles, des cercles de femmes et de jeunes, des associations de secours aux orphelins ou aux réfugiés.

Gérée avant guerre par la kehillah (la communauté), l’aide sociale est désormais centralisée par le ZSS (en allemand, JSS pour Jüdische Soziale Selbsthilfe). Elle est nourrie par les fonds de l’étranger et concentre son activité sur l’organisation des soupes populaires fréquentées au printemps 1941 par 65 % de la population. En janvier 1942, ces cantines distribuent, un jour sur deux seulement, 70 000 repas à midi.

Entre septembre 1939 et juillet 1942, 100 000 personnes auraient survécu grâce à l’aide des travailleurs sociaux. Avec l’effondrement des autorités constituées, la population se prend spontanément en charge sous la forme des comités d’immeubles. À l’initiative d’Emmanuel Ringelblum, qui dirige le service social du ZSS, les comités d’immeubles sont transformés en cellules d’auto assistance (2 000 en septembre 1940, à peine 1 100 en janvier 1942). Elles financent les cantines populaires, collectent des vêtements et de l’argent, fournissent une aide médicale et un refuge. Dans une société juive privée de ses instances d’avant guerre, les comités entreprennent également de mettre sur pied une vie communautaire.

Les archives du ghetto de Varsovie

Dès les premières semaines de l’occupation Emanuel Ringelblum – historien, responsable de la section polonaise de l’American Jewish Joint Distribution Committee (Joint) avant la guerre et secrétaire de la commission de coordination des organisations sociales juives de Varsovie – entreprend de collecter des documents.

Il constitue dès le 22 novembre 1940, un groupe d’une douzaine de personnes, sous le nom yiddish d’Oyneg Shabbes (Joie du shabbat), qui se fixent pour objectif d’élaborer une histoire des Juifs de Pologne durant la guerre. Dans la plus stricte clandestinité, une vaste documentation sur la situation à Varsovie et au sein des autres ghettos en Pologne est peu à peu constituée. Des enquêtes sont menées sur l’aggravation de la situation économique, les effets de la faim ou sur le développement du typhus.

Des listes des déportés et des travailleurs forcés sont établies et des témoignages en provenance des différents ghettos de Pologne sont recueillis. Outre la compilation de l’ensemble de la presse clandestine juive, Oyneg Shabbes assure la préservation de textes littéraires, ainsi que d’œuvres d’art témoignant de l’intense activité intellectuelle et culturelle au sein du ghetto.

Le 3 août 1942, les documents rangés dans dix boîtes en métal, sont placés dans un réduit aménagé dans les caves d’un bâtiment au 68 rue Nowolipki. À la fin du mois de février 1943, la deuxième partie des archives est placée dans deux bidons de lait et également enfouie dans les sous-sols du 68 rue Nowolipki. La troisième et dernière partie des archives est cachée juste avant le soulèvement du 19 avril 1943, sous l’immeuble du 34 rue Swietojerska.

Seules deux des trois parties enfouies de l’archive sont retrouvées après la guerre dans les ruines du ghetto. L’ensemble des archives est conservé au Zydowski Instytut Historyczny (Institut historique juif de Varsovie), dont elles forment l’essentiel des collections. Le Comité international consultatif de l’UNESCO a reconnu leur portée universelle, l’inscrivant au Registre de la « Mémoire du monde » en 1999.

La faim et la mortalité

La faim est le vrai maître du ghetto. Gradué par l’autorité allemande, ce processus d’affamement est programmé pour briser toute résistance. Cette souffrance, quotidienne, concerne plus de la moitié d’une population à laquelle elle ôte toute velléité de révolte en réduisant chacun à un état d’extrême misère, physiologique et psychique.

En 1941, selon des sources polonaises, la ration quotidienne est de 2 613 calories pour un Allemand de Varsovie, 699 calories pour un Polonais, et 184 calories pour un Juif (15 % du minimum vital). Beaucoup déambulent dans des rues grouillantes de monde dans l’unique souci de se procurer de la nourriture. Bientôt apparaissent dans les rues les premiers morts d’inanition. Pour arracher un morceau de pain, les agressions sont monnaie courante. Les colis pallient partiellement le manque de nourriture au moins jusqu’au 22 juin 1941.

Mais les Allemands mettent en place une politique de confiscation sous les prétextes les plus divers. La famine joue un rôle capital lors des déportations de l’été 1942. Les Allemands cessent alors de fournir au ghetto les rations habituelles. Affamée au sens premier du terme, la population n’offre plus la moindre résistance.

Le service de santé du Conseil juif, créé en janvier 1940, gère six centres de santé et deux hôpitaux qui sont en réalité des mouroirs : peu de médicaments et des rations de famine qui entraînent des œdèmes de la faim. Deux à trois patients par lit. 43 000 personnes (10 % de la population) qui succombent au cours de la seule année 1941. L’épidémie de typhus explose au printemps 1941 pour atteindre son plus haut niveau à l’automne suivant.

Le nombre de malades oscille entre 50 000 et 100 000 personnes. Les mesures de prévention sont rendues vaines par l’absence d’hygiène et l’état de dénutrition. Au début de 1942, le ghetto enregistre 1 naissance pour 45 décès.

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