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Textes officiels

Les programmes officiels prévoient que la Shoah soit abordée en classe dès l’école élémentaire, puis approfondie à différents stades du parcours secondaire général, technologique et professionnel.

Document d'archive

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Humiliation antisémite

Un homme juif et sa femme non juive humiliés par des SA, Hambourg, Allemagne, juillet 1935
Les lois de Nuremberg interdisaient les mariages et les relations sexuelles entre les Juifs et les Allemands non-juifs, et les couples transgressant cette interdiction pouvaient être ainsi stigmatisés afin de servir d’exemple. 
Crédit : Mémorial de la Shoah / CDJC

Document d'archive

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Pris au piège

Dessin de presse paru dans le New York Times au sujet de la conférence d’Evian, 3 juillet 1938 (catalogue « Nuit de Cristal » p. 60)
Crédit : Mémorial de la Shoah / CDJC

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La persécution des Juifs allemands

Les premières mesures antijuives entrent en vigueur deux mois après que le Maréchal von Hindenburg ait confié à Adolf Hitler la constitution du gouvernement. Elles visent d’abord à provoquer un fort courant d’émigration chez les Juifs allemands.

L’exclusion économique et sociale

Le 1er avril 1933, les nazis organisent un immense boycott des commerces, des cabinets d’avocats et des médecins juifs. Cette journée marque symboliquement le début de l’éviction des Juifs de la vie économique. Ils sont progressivement chassés des professions libérales, de l’armée, de la justice, des métiers de la culture et de la presse. Un numerus clausus est instauré dans les universités, et à partir de 1938, les enfants juifs doivent quitter l’école.

Le parti nazi et ses militants s’investissent beaucoup dans l’aryanisation des biens appartenant à des Juifs en intimidant la population juive : entre 1933 et 1938, 41 000 des 50 000 commerces de détail sont « volontairement » vendus par leurs propriétaires juifs.

Le 15 septembre 1935, la loi civile du Reich et la loi « pour la protection du sang et de l’honneur allemand » interdisent les unions exogamiques et toutes relations sexuelles entre Juifs et non Juifs, « génératrices de souillure ». Les Juifs sont privés de leur citoyenneté et deviennent des sujets de statut inférieur. Parallèlement, le décret d’application définit qui est juif : « Est juif celui qui est issu d’au moins trois grands-parents juifs. Est juif celui qui appartient à la communauté religieuse juive ».

Le critère racial et l’appartenance religieuse sont donc l’un et l’autre pris en compte. Ces mesures déclenchent une série de dénonciations. Les personnes arrêtées pour infraction à la loi purgent une peine de prison avant d’être généralement internées dans des camps de concentration.

L’accélération des persécutions en 1938

Après cinq années de national-socialisme, les chefs du régime constatent que les trois-quarts de la population juive du Reich ont choisi de rester. 1938 est l’année de la radicalisation et de l’accélération des mesures antisémites visant à éliminer toute présence juive, en particulier dans l’économie, et à encourager une émigration massive. La loi du 28 mars abolit le statut légal des communautés juives accordé au XIXe siècle. Les mesures d’aryanisation s’intensifient. La loi du 26 mars oblige tous les Juifs du Reich à déclarer la totalité de leur fortune aux autorités et permet à Goering de disposer des biens déclarés « conformément aux besoins de l’économie allemande ».

D’avril à novembre 1938, les services du Reich prélèvent ainsi deux des sept milliards de marks de « biens juifs » déclarés. Les boutiquiers et les artisans reçoivent l’ordre de cesser toute activité commerciale avant le 1er janvier 1939. Une série de rafles a lieu à Berlin durant l’été 1938 alors que les contrôles policiers se font plus fréquents. Mille cinq cents Juifs sont internés dans des camps de concentration. Des expulsions, des destructions des biens et de lieux de culte ont également lieu.

Les synagogues de Munich (9 juin) et de Nuremberg (10 août) sont dynamitées. La loi du 18 août 1938 impose l’ajout sur les passeports des prénoms Sara et Israël. Début octobre 1938, le tamponnage des pièces d’identité de la lettre « J » est instauré à l’instigation de la Suisse. La violence culmine le 9 novembre 1938, au cours de la « nuit de cristal », pogrom organisé à l’échelle de l’Allemagne toute entière.

L’expulsion des Juifs hors des territoires nouvellement annexés

Le 13 mars 1938, l’Autriche, incorporée au Reich à la suite de l’Anschluss et rebaptisée Ostmark, est placée sous l’autorité du Gauleiter Josef Bürckel. 190 000 Juifs résident alors dans le pays. Les persécutions à leur égard, en particulier à Vienne, se mettent en place très rapidement et très brutalement : humiliations publiques, expropriations, émigration forcée. A la fin de 1938, sur un total d’environ 70 000 logements appartenant à des Juifs, quelques 44 000 ont été aryanisés.

Le 20 août 1938, le Bureau central d’émigration juive, contrôlé par Adolf Eichmann lui-même (l’un des chefs de la SS), entreprend d’abord de refouler les Juifs par-delà les frontières en particulier en Tchécoslovaquie, en Hongrie et en Suisse. En octobre 1938, Himmler ordonne de regrouper à Vienne tous les Juifs des provinces autrichiennes. Moins de six mois après l’Anschluss, 45 000 Juifs autrichiens ont émigré.

En mai 1939 plus de 100 000 partent à leur tour, soit près de 50 % des Juifs autrichiens. Quelques jours après l’Anschluss, Himmler visite les carrières de Mauthausen, (à 145 km à l’ouest de Vienne), avec l’intention de faire exploiter le granite par une entreprise gérée par la SS, la Société allemande d’exploitation de la terre et de la pierre, utilisant la main-d’œuvre du camp de concentration. Les 300 premiers détenus, des prisonniers de droit commun autrichiens et allemands de Dachau, arrivent à Mauthausen le 8 août 1938.

En octobre 1938, le gouvernement polonais promulgue un décret annulant les passeports des Polonais résidant à l’étranger qui n’obtiendraient pas une autorisation spéciale d’entrer en Pologne avant la fin du mois. Or, plus de 40 % des Juifs vivant dans le Reich sont nés en Pologne. Pour éviter d’absorber cette population, les nazis devancent la mesure. Le 27 et 28 octobre 1938, la police et les SS regroupent tous les Juifs polonais de sexe masculin (souvent accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants, privés de tout moyen de subsistance), et les transportent à la frontière polonaise. Ils sont refoulés par les gardes frontières polonais et des jours durant sous une pluie diluvienne, sans vivres et sans abri, ils errent entre les deux frontières. Tandis qu’un petit nombre parvient à entrer en Pologne, la plupart aboutissent près de la ville frontière de Zbaszyn.

En janvier 1939, à l’issue de négociations entre l’Allemagne et la Pologne, les Juifs ayant de la famille en Pologne sont autorisés à la rejoindre. En échange, par petits groupes, les réfugiés peuvent revenir en Allemagne, pour un temps limité, afin de liquider leurs affaires. Certains réussissent à obtenir des visas d’émigration et quittent le pays.

Moins d’un mois après la signature des accords de Munich, Hitler expulse vers la Tchécoslovaquie plusieurs milliers de Juifs qui vivent dans la région des Sudètes. Les Tchécoslovaques refusant de les laisser entrer, ils tentent de se réfugier en Hongrie. Mais ils sont renvoyés en Allemagne par les autorités hongroises puis à nouveau dirigés vers la Tchécoslovaquie par les autorités nazies. Ils sont finalement conduits de force vers des camps de toile improvisés dans le no man’s land séparant la Hongrie et la Tchécoslovaquie.

L’émigration des Juifs et la conférence d’Evian

Dès 1933, avec l’arrivée au pouvoir des nazis, 37 000 Juifs quittent l’Allemagne. L’émigration se stabilise ensuite à un rythme de 25 000 personnes par an jusqu’en 1938. Près de la moitié des émigrants se fixe en Europe occidentale, un quart en Palestine et 27 000 aux Etats-Unis.

L’aggravation de la législation sur le transfert de fonds à l’étranger, le blocage des fortunes, placées sous le contrôle des ministères de l’Economie et des Finances et l’augmentation constante des taxes d’émigration contribuent à dissuader la majorité des candidats au départ. Entre 1933 et 1938, alors que les Juifs commencent à quitter l’Allemagne, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, arguant d’un fort taux de chômage et d’un haut niveau d’antisémitisme, refusent d’assouplir leur strict contrôle de l’immigration. D’autres pays tels que la France, les Pays-Bas, la Tchécoslovaquie et certains pays d’Amérique latine ont une politique plus libérale, au moins au début des années trente.

Le 23 mars 1938, Franklin Delano Roosevelt, président des États-Unis, prend l’initiative de convoquer une conférence internationale sur la question des réfugiés du Reich, tout en affirmant qu’il ne s’agit ni de financer leur accueil, ni d’augmenter les quotas d’immigration. L’Allemagne n’est pas invitée. L’URSS et la Tchécoslovaquie ne dépêchent pas de représentants et l’Italie, solidaire de l’Allemagne, refuse l’invitation.

Les représentants des 32 États qui siègent du 6 au 14 juillet à l’hôtel Royal à Evian (France) saluent l’initiative du Président Roosevelt, expriment leur sympathie aux victimes des persécutions tout en indiquant que la situation économique et sociale de leur pays ne leur permet pas d’accroître les contingents d’immigration. Une sous-commission auditionne en une après-midi les représentants de quarante organisations de réfugiés et les organisations juives, dont celles du Reich. La conférence n’aboutit à aucun résultat concret, sinon à la création d’un Comité Intergouvernemental pour les Réfugiés siégeant à Londres et destiné à donner une suite à cette rencontre.

L’échec de la conférence d’Evian est lourd de conséquences. Il signifie que la communauté internationale n’est pas prête à se mobiliser en faveur des Juifs et des réfugiés en général, et laisse le champ libre aux projets d'Hitler. Après l’échec de la conférence d’Evian, les pays occidentaux, les organisations juives et le Comité d’Evian tentent de trouver des zones d’accueil dans les territoires coloniaux (le Tanganyika et la Guyane pour les Anglais, Madagascar et la Nouvelle-Calédonie pour les Français). Le Comité d’Evian se tourne également vers les pays sud-américains. Alors que des commissions n’en finissent pas d’étudier ces dossiers, le déclenchement de la guerre en 1939 met fin à toutes ces spéculations.

Emblématique des difficultés rencontrées par les Juifs pour fuir les persécutions nazies est l’affaire du paquebot Saint-Louis. Le 13 mai 1939, à Hambourg, 937 passagers dont 931 émigrants s’embarquent pour Cuba à bord du Saint-Louis. La Hamburg-Amerika-Linie, propriétaire du bateau, leur a procuré des certificats de débarquement. A l’aube du 27 mai, le Saint-Louis mouille dans le port de La Havane, mais les passagers se voient interdire le débarquement, leur visa ayant été vendu frauduleusement par le directeur des douanes cubaines.

En dépit des interventions de l’American Jewish Joint Distribution Committee et du chargé d’affaires allemand en poste à Cuba, inquiet de voir les passagers refluer vers l’Allemagne, le bateau est contraint de mettre le cap sur Hambourg, le 2 juin. Le capitaine du Saint-Louis s’attarde cependant au large des côtes de la Floride, espérant pouvoir débarquer 743 passagers, sur les 907 restants à bord, qui avaient déjà effectué des demandes de visas pour les États-Unis. Mais le gouvernement de Washington refuse de les laisser entrer, prétextant que chaque candidat se doit d’attendre patiemment son tour. L’émotion générale que cette odyssée soulève dans l’opinion publique occidentale contribue à mettre fin au drame. À  la mi-juin, le Saint-Louis fait route vers l’Europe et atteint Anvers le 17 juin. L’American Jewish Joint Distribution Committee qui garantit la prise en charge financière des passagers, obtient des Pays-Bas (181), de la Belgique (214), de la France (224) et du Royaume-Uni (288) qu’ils reçoivent ces réfugiés.

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